Remarques de clôture de la Coalition de la Société Civile lors de la réunion plénière du Processus de Kimberley à Dubaï
Au début de cette plénière du Processus de Kimberley, nous avons exprimé nos préoccupations concernant l’embargo imposé à la République centrafricaine depuis plus d’une décennie.
La nécessité d’une nouvelle approche pour la RCA
La Coalition de la Société Civile estime que la levée de cet embargo, qui a duré 11 années, est la bonne décision. Cet embargo sur les diamants de conflit a finalement davantage soutenu les trafiquants que protéger les communautés exploitant les diamants qu’il était censé aider. Toutefois, nous devons être clairs : cette décision ne peut pas marquer la fin de la responsabilité du Processus de Kimberley, du gouvernement centrafricain ou de la communauté internationale du diamant concernant les problèmes de pauvreté, de conflit et de fraude liés aux diamants centrafricains. Elle devrait plutôt marquer le début d’une approche plus active et plus engagée – une approche qui favorise la croissance dans les zones d’extraction de diamants, soutient l’exploitation minière artisanale et à petite échelle, lutte contre la contrebande et cherche à obtenir justice pour les violations des droits de l’Homme.
Malheureusement, au cours des derniers jours, les discussions sur la manière de relever efficacement ces défis complexes ont été minimes. Il est décourageant de constater que tant d’énergie a été dépensée pour défendre des positions et si peu a été consacré à la recherche de solutions. Cette dynamique a simplifié à l’extrême une situation profondément complexe, la réduisant à un débat binaire sur la levée de l’embargo alors qu’en réalité, nous avions besoin d’une évaluation réfléchie des lacunes du Processus de Kimberley et de la manière dont nous pouvons mieux soutenir les communautés d’extraction de diamants de la République centrafricaine.
Un signal d’alarme pour le Processus de Kimberley
Cette décision de lever l’embargo devrait également susciter un moment de réflexion vital. Nous semblons tous convenir que cet embargo faisait plus de mal que de bien. Si le seul outil dont dispose le PK dans le seul pays qui relève de son mandat extrêmement étroit s’est avéré inefficace, cela devrait enfin, nous l’espérons, convaincre tout le monde ici que le PK est confronté à des défis existentiels. Que ceci soit un signal clair et urgent qu’une réforme significative n’est pas seulement nécessaire, mais aussi qu’elle aurait dû avoir lieu depuis longtemps.
Toutefois, les discussions sur la définition des diamants de conflit une fois de plus stagnées, ne nous rendent pas particulièrement optimistes. La forte résistance envers toute forme de responsabilité gouvernementale pour les violences et les abus confirme que certains participants sont là avant tout pour protéger leurs propres intérêts, sans se soucier de l’impact humain. Cette réticence souligne une réalité troublante : les atrocités commises par les groupes rebelles, qui ont conduit à la création du Processus de Kimberley en 2003, sont aujourd’hui reproduites par certains gouvernements et leurs forces de sécurité.
Une diligence raisonnable rigoureuse pour combler les lacunes du Processus de Kimberley
Compte tenu de l’absence perpétuelle de progrès, le secteur du diamant devrait faire davantage pour se préparer. Comme le dit le proverbe, « l’espoir éclaire le chemin, mais la sagesse fournit un parachute ». Nous vous encourageons tous à vous assurer que vos parachutes sont prêts. Le Processus de Kimberley n’empêche pas – et n’empêchera probablement pas de sitôt – les diamants d’être associés aux problèmes qui ne relèvent pas de la définition étroite des diamants de conflit, notamment les violations des droits de l’homme, les violences commises par les forces de sécurité publiques et privées, le travail forcé et la dégradation de l’environnement. Une diligence raisonnable rigoureuse est essentielle, mais elle n’est pas suffisamment prise en compte.
La seule existence du système de certification ne rend pas la gouvernance des diamants exemplaire. Bien que les diamants soient confrontés aux mêmes problèmes de gouvernance que d’autres minerais, le Processus de Kimberley demeure largement isolé des dialogues plus larges sur la diligence raisonnable relatives aux minerais. Pour faire avancer ce dialogue et promouvoir l’apprentissage mutuel, la Coalition de la Société Civile et De Beers ont coorganisé une table ronde lors du forum de l’OCDE sur les chaînes d’approvisionnement responsables en minerais qui s’est tenu cette année à Paris. Cet événement, qui a connu une forte participation, a souligné l’importance de regarder au-delà du PK pour faire progresser la gouvernance responsable des diamants. Nous nous réjouissons de poursuivre ce travail et invitons tous les Participants et Observateurs à se joindre à nous pour explorer les moyens d’améliorer les résultats de l’industrie en matière d’identification, de prévention, d’atténuation et de réparation des risques et des préjudices tout au long de la chaîne d’approvisionnement en diamants.
Rompre l’isolement du PK pour favoriser la collaboration
L’isolement du PK vis-à-vis des cadres plus larges de gouvernance minière a été souligné de manière frappante par le malaise que certains participants ont exprimé à la mention de l’Initiative pour la Transparence des Industries Extractives (ITIE). Un participant a fait remarquer qu’il était « extrêmement nerveux à l’idée que cette organisation que nous ne connaissons pas et qui ne fait pas partie du PK soit mentionnée ». Un autre a affirmé que les règles du PK empêchent tout engagement avec l’ITIE et que, par conséquent, « quoi que fasse cet organisme, cela n’a rien à voir avec le travail du PK ». Nous invitons tous les Participants à élargir leurs perspectives et à envisager des possibilités de collaboration. L’ITIE est une initiative respectée qui vise à promouvoir la transparence dans le secteur extractif, y compris dans le commerce des diamants. Nous vous demandons à tous d’adopter plutôt que de rejeter l’engagement avec d’autres initiatives pertinentes, d’apprendre de leurs points de vue et de progresser ensemble. Sans transparence, le Processus de Kimberley ne pourra jamais remplir efficacement son mandat de prévention des conflits.
Le Processus de Kimberley doit favoriser, et non bloquer, l’engagement des communautés affectées par les diamants
Il est également décourageant de voir que certains Participants continuent de résister à l’idée de reconnaître et d’accueillir les communautés affectées par les diamants en tant que parties prenantes clés de ce processus. Il s’agit là d’un autre domaine où le modèle de consensus est utilisé à mauvais escient pour bloquer des progrès cruciaux, et nous refusons de laisser passer cela en silence. Suivant l’exemple positif donné lors de la réunion intersessionelle de cette année, nous encourageons vivement les Émirats arabes unis et les futurs Présidents du PK à maintenir la pratique vitale consistant à échanger directement avec les communautés affectées par les diamants au cours des réunions du PK.
La Coalition de la Société Civile doit continuer à souligner son rôle unique et indispensable en tant que troisième pilier dans le cadre du PK. Nous sommes heureux d’informer la plénière des efforts mutuels déployés cette semaine pour résoudre les relations précédemment tendues entre la Sierra Leone et la CSC, ouvrant ainsi la voie, nous l’espérons, à un partenariat plus harmonieux et plus productif. Puisse ce progrès inspirer les autres participants à renforcer la collaboration et à respecter le véritable esprit du système tripartite du Processus de Kimberley.
Jaff Bamenjo
Coordinator de la Coalition de la Société Civile