Kimberley Process Civil Society Coalition

Faire progresser les initiatives en matière de gouvernance et de provenance des diamants en s’appuyant sur le Processus de Kimberley : défis et opportunités – Points clés de la table ronde

En mai 2024, la Coalition de la Société Civile du Processus de Kimberley et De Beers ont organisé une table ronde lors du Forum de l’OCDE sur les chaînes d’approvisionnement en minerais responsables. Modérée par Joanne Lebert, directrice d’IMPACT, la discussion a rassemblé une diversité d’acteurs issus des gouvernements (pays producteurs, commerçants et consommateurs de diamants), de l’industrie (sociétés minières, commerçants, joaillier, associations industrielles et fournisseurs de technologie) et de la société civile (du Zimbabwe, de Tanzanie, de RDC, de Côte d’Ivoire, du Cameroun, de Belgique et du Canada).

Dans les remarques d’ouverture de la CSC PK, Michel Yoboué a souligné les divers défis auxquels sont confrontés le Processus de Kimberley et l’industrie du diamant :

En 2003, les diamants ont été le premier minerais à être couvert par un système de certification développé par le Processus de Kimberley. Initiative pionnière il y a 21 ans, le Processus de Kimberley s’est cependant avéré résistant au changement. Il est aujourd’hui rattrapé par les réalités et les pratiques d’approvisionnement responsables pour d’autres minerais.

Les certificats du Processus de Kimberley sont utilisés comme garantie d’un approvisionnement éthique ou responsable, mais dans la pratique, de nombreux problèmes importants ne sont pas traités :

  • La définition des « diamants de conflit » du PK se concentre uniquement sur l’élimination des diamants bruts utilisés par les rebelles pour financer leurs activités militaires à l’encontre de gouvernements légitimes. Aujourd’hui, seuls les diamants produits dans certaines régions de la République centrafricaine (RCA) sont considérés comme des diamants de conflit.
  • Pourtant, les diamants continuent d’être entachés par la violence et les violations des droits de l’homme commises par des sociétés de sécurité publiques et privées, mais aussi par des guerres interétatiques.
  • Le commerce des diamants se caractérise par un manque de transparence qui le rend vulnérable à la contrebande, à la corruption, au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme.
  • Pour les communautés touchées par l’extraction des diamant, le travail des enfants et le travail forcé, les mauvaises conditions de travail des mineurs et les profondes répercussions sur l’environnement sont des réalités douloureuses.

Malgré les défis communs avec d’autres minerais, les discussions sur la gouvernance des diamants sont restées relativement isolées des dialogues plus larges sur la diligence raisonnable liée à l’approvisionnement en minerais, car les diamants sont souvent considérés comme ayant leur propre plateforme avec le Processus de Kimberley. À la lumière des défis considérables auxquels est confronté le secteur du diamant et des carrences importantes du Processus de Kimberley, il est urgent d’envisager d’autres moyens de faire progresser la gouvernance responsable du diamant.

Les participants à la table ronde ont partagé des mises à jour, des réflexions, des questions et des préoccupations sur un certain nombre de sujets clés :

  • Provenance, traçabilité, certification et contrôle : les certificats du PK trompent les consommateurs en offrant des garanties éthiques qui ne sont pas étayées par l’échelle et la qualité des contrôles. Les efforts déployés par le G7 pour interdire les diamants russes ont stimulé des progrès en matière de pratiques et de technologies de traçabilité, comme en témoignent des initiatives telles que Tracr. Compte tenu des lacunes du Processus de Kimberley, il est impératif de reconnaître qu’aucun système n’est sans faille. Par conséquent, les initiatives visant à améliorer la traçabilité et la documentation sur l’origine doivent donner la priorité à la transparence concernant leurs limites.

  • Atténuation des risques : en s’appuyant sur les embargos, le Processus de Kimberley évite de s’attaquer aux causes profondes des risques liés au conflit. À l’inverse, le cadre de diligence raisonnable de l’OCDE met l’accent sur l’atténuation progressive des risques. Des initiatives telles que le projet GemFair de De Beers en Sierra Leone et OrigemA de DDI@Resolve et de l’Antwerp World Diamond Centre (AWDC) en RDC offre des exemples intéressants de gestion des risques alignés sur les normes de l’OCDE pour l’approvisionnement responsable en diamants d’extraction artisanale. L’industrie du diamant peut améliorer la diligence raisonnable de la chaîne d’approvisionnement en s’inspirant de ces initiatives.

  • Transparence : le Processus de Kimberley est paralysé par des règles de confidentialité strictes, qui transforment le principe de consensus en droit de veto sans obligation de rendre des comptes. Cette situation est exacerbée par le fait que les documents et les rapports du Processus de Kimberley ne sont pas accessibles ou le sont difficilement. L’industrie du diamant doit tirer les leçons de l’OCDE, où la transparence et le reporting sont des principes fondamentaux. De Beers et le Responsible Jewellery Council ont présenté des mesures allant dans ce sens.

  • Exploitation minière, artisanale et à petite échelle : en 2012, le PK a adopté la Déclaration de Washington sur l’intégration du développement de l’ASM dans la mise en œuvre du PK, une feuille de route prometteuse qui n’a malheureusement pas été mise en œuvre. À l’exception de quelques projets pilotes, le secteur du diamant n’a guère fait progresser l’ASM au cours des deux dernières décennies. En revanche, d’autres minéraux ont fait l’objet d’efforts et d’initiatives plus concertées, bien qu’avec des degrés de réussite variables. Il est évident qu’il est urgent de tirer des leçons de l’expérience des autres minéraux, afin d’obtenir des résultats évolutifs qui profitent également aux communautés et aux consommateurs, tout en répartissant équitablement les coûts et les exigences tout au long de la chaîne d’approvisionnement.

Au cours des 15 dernières années, de nombreuses discussions ont porté sur l’approvisionnement responsable en minerais, en particulier pour l’or et les minerais 3T (étain, tantale et tungstène). Des milliards ont été investis dans des projets pilotes et des systèmes d’approvisionnement responsables. Les résultats ont été variés. Il serait imprudent de ne pas tenir compte des enseignements tirés, des stratégies efficaces et des pièges à éviter, tant pour le commerce des diamants que pour les discussions naissantes sur l’approvisionnement responsable en minerais critiques. Il est impératif de démanteler les barrières entre les plateformes et les secteurs.

Un effort concerté est nécessaire pour engager un dialogue ciblé sur les mesures à prendre pour atténuer les effets néfastes de l’exploitation minière, tout en s’efforçant de tirer parti de son potentiel pour promouvoir la paix et le développement. Il est essentiel de faire preuve d’ouverture, d’humilité et de transparence en ce qui concerne les attentes à l’égard des systèmes d’approvisionnement responsable. Ni les initiatives telles que le Processus de Kimberley, ni l’autorégulation de l’industrie ne peuvent à elles seules garantir la paix et le développement durable. Ils doivent être intégrés dans une stratégie globale d’efforts et d’initiatives visant à obtenir des effets positifs plus larges.

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