Kimberley Process Civil Society Coalition

Le Processus de Kimberley doit cesser de fermer les yeux sur l’invasion de l’Ukraine par la Russie et prendre au sérieux la lutte contre les diamants de la guerre

L’incapacité du Processus de Kimberley (PK) à même considérer s’il doit continuer à certifier les diamants russes comme exempts de conflits, prouve ce que la Coalition de la Société Civile du PK (CSC PK) dénonce depuis des années, à savoir que le système mondial de certification des diamants n’est plus adapté à sa mission. Nous appelons le PK, qui se réunit en session plénière du 20 au 24 juin au Botswana, à (1) s’accorder enfin sur l’élargissement du champ d’application de la définition, largement dépassée, des diamants de conflit du PK, (2) suspendre la Fédération de Russie en tant que participant au PK jusqu’à ce qu’elle mette fin de manière inconditionnelle à son agression envers l’Ukraine, et (3) adopter un programme de réforme profond et sérieux.

L’agression injustifiée de la Russie à l’encontre l’Ukraine, son accumulation de violations graves des droits de l’Homme et du droit humanitaire international, son choix persistant pour la guerre plutôt que la désescalade, et les liens mis en évidence entre les diamants russes et ce conflit, érodent complètement la crédibilité du Système de Certification du PK (KPCS), qui prétend garantir un commerce de diamants exempt de conflits. Cette situation rend d’ailleurs le fonctionnement de ce processus tout à fait impossible, car ces luttes internes aveuglent encore davantage le PK sur la violence et les violations des droits de l’Homme qui continuent à affecter les communautés concernées par l’extraction des diamants dans plusieurs pays membres du PK.

La réunion intersessionnelle au Botswana, où les 85 pays participants au PK se réuniront avec des observateurs de l’industrie et de la société civile, se tient donc à un moment critique pour le PK et le secteur du diamant. Le fait que plusieurs participants se tournent vers des mesures unilatérales pour empêcher les diamants de financer ce conflit, démontre clairement que le PK et son système de certification ont atteint leurs limites. Le fait que plusieurs participants se tournent vers des mesures unilatérales pour empêcher les diamants de financer ce conflit, démontre clairement que le PK et son système de certification ont atteint leurs limites.

Le manque de coordination internationale plonge le secteur du diamant dans la crise la plus profonde depuis les défis posés par les diamants de sang à la fin des années 1990 et qui ont été à l’origine même de ce processus. Les associations de l’industrie du diamant se déchirent au sujet de leurs liens avec l’entreprise minière publique russe Alrosa et plusieurs des plus grandes entreprises de diamants et de bijoux du monde ont, en l’absence de sanctions internationales, décidé de cesser unilatéralement de s’approvisionner en diamants russes, des pierres qui représentent un tiers de l’offre mondiale.

Compte tenu de ces défis sans précédent, la CSC PK appelle les participants au PK à :

  • S’accorder enfin sur un élargissement, attendu depuis longtemps, de la définition du PK* des diamants de conflitafin d’inclure les diamants associés à une violence généralisée ou systématique et à de graves violations des droits de l’Homme, qu’elles soient commises par des groupes rebelles, des criminels, des terroristes, des forces de sécurité privées ou publiques ou tout acteur gouvernemental ;
  • Suspendre la Fédération de Russie, et donc cesser de certifier les diamants russes comme exempts de conflits, jusqu’à ce que la Russie mette fin de manière inconditionnelle à son agression à l’encontre de l’Ukraine ;
  • Adopter un programme de réforme profond et sérieux qui, au minimum, mette fin au modèle consensuel étouffant à travers un mécanisme de prise de décision plus flexible et un renforcement considérablement des exigences de contrôle interne des participants ainsi que de la surveillance par le PK. Le SCPK devrait en outre faciliter plutôt que compliquer les efforts en net accélération de l’industrie en matière de traçabilité, en réformant son système de certificats d’origine mixte** qui contribuent à brouiller l’origine de la grande majorité des diamants.

Empêcher les diamants de financer les conflits est au cœur du mandat du PK, comme le souligne la résolution 1459 du Conseil de sécurité des Nations Unies de 2003. Pourtant, malgré les préoccupations soulevées par les gouvernements, les entreprises, les consommateurs et la société civile, il n’y eu, dans les quatre mois suivant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, aucune discussion au sein du PK sur cette question. Aucune action n’a été envisagée.

La Russie et ses alliés opposent leur veto à la mise à l’agenda de cette question lors de la réunion intersessionnelle au Botswana. Ils affirment que le PK est un processus technique qui ne devrait pas avoir à traiter de questions politiques. Dans le même temps, ils comptent sur ce processus technique pour maintenir la confiance des consommateurs dans les diamants.

Il devient toujours plus difficile pour les consommateurs de comprendre le silence et l’inaction du PK sur la question des diamants russes. En effet, depuis deux décennies le PK leur est présenté comme un système garantissant la nature non conflictuelle de leurs achats de diamants, sans explications sur le fait que ces assurances reposent sur une définition dépassée et maladroitement étroite du conflit se limitant aux insurrections rebelles. Le PK doit au minimum à ces consommateurs, et au public en général, la transparence et une explication claire des raisons pour lesquelles il continue à certifier les diamants russes comme étant exempts de conflit.

Fondamentalement, cette situation est le résultat d’un blocage par quelques pays membres de tous les efforts de réforme au cours des vingt dernières années. Le mandat du système de certification a été délibérément maintenu extrêmement étroit afin de lui permettre de certifier un volume maximal de diamants avec le minimum absolu d’exigences. Aujourd’hui, il est clair que le changement du PK ne peut et ne veut pas se faire avec les anciennes formules de recherche de consensus. Les gouvernements et les acteurs de l’industrie dont la volonté de réforme est sérieuse devront utiliser tous les leviers dont ils disposent pour s’assurer que cette crise ne marque pas la fin de ce processus, mais plutôt le début d’un mécanisme de prévention des conflits plus fort, prenant ses responsabilités en brisant réellement les liens entre les diamants et les conflits à travers le monde.

* Le PK définit les diamants de conflit comme “des diamants bruts utilisés par des mouvements rebelles ou leurs alliés pour financer des conflits visant à saper les gouvernements légitimes”.

** Les certificats du PK sont attribués à des colis présentés à l’exportation, souvent composés de centaines, voire de milliers de diamants bruts. Lorsque des diamants provenant de deux ou plusieurs pays différents sont mélangés dans un tel colis, ce qui est une pratique courante dans les centres de négoce, ils doivent être exportés avec un certificat PK d’origine mixte qui ne mentionne plus les pays d’où proviennent ces diamants.

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