Kimberley Process Civil Society Coalition

Réunion plénière du Processus de Kimberley 2025 : véritable réforme ou l’obsolescence

Alors que nous ouvrons aujourd’hui la session plénière du Processus de Kimberley (PK), le moment est venu pour la Coalition de la Société Civile (CSC) de rappeler l’objectif fondamental du PK à savoir rompre le lien entre les diamants et les conflits, où qu’ils se produisent et quelle qu’en soit leur nature.

Le but ultime de ce système de certification est de protéger les communautés de la violence et des conflits alimentés par les diamants, et non de rassurer les consommateurs, de préserver les intérêts des entreprises ou de protéger les gouvernements contre les préoccupations légitimes selon lesquelles ils pourraient aujourd’hui eux-mêmes être le lien entre les diamants et les conflits. Qu’il s’agisse de la Russie ou d’Israël qui utilisent les revenus des diamants pour financer des guerres illégitimes et des massacres, de la police qui s’en prend violemment aux mineurs artisanaux dans certains pays participants au PK, ou encore d’un groupe de mercenaires en République centrafricaine qui s’empare du commerce du diamant par la force; tout cela touche au cœur même du mandat de cet organisme.

La paix ne se résume pas à l’absence de violence, elle consiste également à préserver les moyens de subsistance et le bien-être général. Le mois dernier, la Coalition de la Société Civile a rendu visite aux communautés vivant à proximité de la mine de diamants de Letseng Diamonds au Lesotho afin d’écouter leurs préoccupations et de dialoguer avec l’entreprise, que nous remercions pour les discussions ouvertes et la visite du site. Les membres de la communauté autour de la mine de Letseng nous ont dit qu’ils vivaient dans la crainte constante que le barrage de résidus miniers ne cède et que leur eau potable soit polluée. Ces préoccupations doivent être prises très au sérieux.

Fermer les yeux sur ces réalités, c’est saper les fondements mêmes de ce système et éroder la confiance du public envers le PK et le secteur du diamant en général.

Visionnez notre documentaire « Au-delà des brillantes illusions » et notre évaluation critique du Processus de Kimberley.



La recherche des « bonnes pratiques » doit commencer par une réponse honnête aux échecs du PK

Le président du PK a baptisé l’année 2025 « année des bonnes pratiques » pour le Processus de Kimberley. Tout en promouvant et en encourageant les bonnes pratiques, nous devons également reconnaître en toute honnêteté les lacunes du PK et y remédier. Nous sommes maintenant dans la dernière année d’un nouveau cycle de réforme du PK, mais les défis restent malheureusement les mêmes.

Les diamants de conflit sont des diamants qui financent la violence, ni plus ni moins

À ce jour, les propositions visant à actualiser la définition des diamants de conflit ne parviennent toujours pas, à notre avis, à répondre à la violence et aux conflits actuels alimentés par le commerce des diamants. Encore et encore, les discussions s’enlisent dans des éléments de langage qui cherchent à éviter plutôt qu’à apporter des changements significatifs, un langage qui privilégie les intérêts des gouvernements au détriment de la protection des communautés. C’est à la fois triste et honteux.

La définition dont nous avons besoin est simple ; permettez-moi de la formuler clairement : les diamants de conflit sont des diamants utilisés pour financer une violence généralisée ou systématique. Ni plus, ni moins. Tout le reste, toutes les formulations complexes qui sont proposées, n’a rien à voir avec la promotion de la paix et du développement, mais vise uniquement à protéger des intérêts restreints, à renforcer la convoitise et à ignorer les griefs légitimes. Nous appelons donc fermement les participants à ne pas se contenter de changements cosmétiques qui ne font que créer l’illusion d’un progrès, tout en ne faisant rien pour empêcher les diamants de causer davantage de dommages et de désespoir.

Limites du modèle quasi tripartite

La structure dite tripartite du PK, qui rassemble les gouvernements, l’industrie et la société civile, est inégale, car seuls les gouvernements ont le pouvoir décisionnel. Cependant, la société civile ne cédera pas à l’intimidation. Certains de nos membres ont été victimes d’actes inacceptables de diffamation, d’intimidation et de victimisation de la part de certains participants au PK, et même du président du PK dans son discours de clôture de la réunion intersessionnelle de mai 2025. La Coalition de la Société Civile a été choquée par ces propos, cette caractérisation et cette victimisation dont notre membre de la coalition originaire du Lesotho a fait l’objet.

De véritables consultations entre les États, les entreprises, les communautés et la société civile locale sont essentielles pour relever les défis existants dans les zones minières. La Coalition de la Société Civile continuera à plaider en faveur de la protection des communautés touchées et pour une répartition équitable des bénéfices provenant des ressources naturelles présentes sur leurs terres.

Un reporting transparent est essentielle aux améliorations continues et collectives

Au sein du KP, des règles de confidentialité strictes créent un manque persistant de transparence, ce qui nuit encore davantage à la redevabilité. Une transparence maximale est nécessaire et recommandée. Nous saluons les efforts visant à améliorer la visualisation des statistiques sur le site web du PK. C’est un pas dans la bonne direction, mais le PK a encore un long chemin à parcourir.

Le KP a levé ses sanctions à l’encontre de la République centrafricaine, mais le travail visant à rompre le lien entre les diamants et la violence n’est pas terminé

En novembre 2024, l’embargo sur les diamants centrafricains a été levé sous réserve d’une vigilance accrue. La Coalition de la Société Civile attend avec impatience que les autorités de la République centrafricaine (RCA) lui fassent part des mesures prises jusqu’à présent pour garantir que la reprise des exportations de diamants favorise véritablement le développement, la sécurité et le bien-être des communautés, plutôt que d’alimenter la fraude, la contrebande et la reprise du conflit.

La Coalition s’inquiète toutefois du flux limité d’informations provenant des autorités centrafricaines en cette année de vigilance accrue. La RCA a manqué plusieurs occasions de rendre compte des progrès accomplis et de répondre aux questions des membres du PK, notamment en ne se présentant pas à plusieurs reprises aux visioconférences successives du Groupe de Travail sur le Monitoring (WGM). Nous continuons d’exhorter les autorités centrafricaines et le PK à ne pas considérer la levée de l’embargo comme une fin en soi ou comme une victoire, mais plutôt comme une occasion d’élaborer une feuille de route solide pour éradiquer la fraude et la contrebande, et améliorer la traçabilité grâce à des contrôles internes rigoureux.

Tant que le secteur minier centrafricain restera sous l’emprise de réseaux prédateurs qui se nourrissent de la violence qu’ils déchaînent, le travail du PK en RCA restera inachevé.

Pourquoi le PK n’est pas la réponse aux défis actuels en matière de gouvernance minière ?

Il est intéressant de noter que la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) et d’autres instances se sont tournées vers le PK pour en tirer des enseignements.

Compte tenu des nombreuses lacunes du PK, nous sommes préoccupés par les efforts visant à le promouvoir comme modèle de gouvernance « responsable » pour d’autres minerais. Lorsque nous voyons, par exemple, comment l’or acheminé via les principaux centres commerciaux alimente la violence en République démocratique du Congo ou au Soudan, il est clair que ce qu’il faut, c’est un système fondé sur la transparence, la traçabilité et la redevabilité.

Transposer le modèle actuel du PK à des défis aussi complexes aurait l’effet inverse : compte tenu de ses procédures opaques et confidentielles, de ses conflits d’intérêts profondément enracinés, de son examen par les pairs insuffisant et des nombreuses lacunes qui sont restées largement sans réponse au cours des vingt dernières années, il offrirait une façade de responsabilité tout en élargissant l’espace pour le blanchiment.

À l’ambition d’adopter de « bonnes pratiques » ou d’être un modèle signifie également être prêt à tirer les leçons d’autres initiatives. Le PK doit donc également être ouvert à l’apprentissage d’autres mécanismes similaires, tels que l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE).

Des normes plus strictes sont nécessaires pour protéger les communautés et préserver la valeur des diamants naturels

Il y a des avantages à élargir la définition des diamants de conflit pour les États africains dans les circonstances actuelles, où le marché des diamants naturels est en difficulté.

La protection des revenus tirés des diamants naturels et des économies nationales devrait être notre préoccupation commune. La croissance rapide du marché des diamants synthétiques et leur promotion, leur image de marque et leur positionnement comme étant éthiques et respectueux de l’environnement par rapport aux diamants naturels constituent un risque énorme pour les diamants naturels. Les diamants synthétiques ont l’avantage d’être exempts de tout risque de violence ou de violation des droits humains.

La nouvelle génération de consommateurs est extrêmement sensible à ces questions éthiques, environnementales et aux droits de l’homme ou à la violence. Les diamants étant des produits de luxe, ils n’hésiteront pas à les remplacer par d’autres produits s’ils les considèrent comme nuisibles aux communautés. Le risque est que l’avenir des diamants naturels soit irrémédiablement compromis si le PK ne se penche pas sur ces questions.

Le Conseil mondial du diamant (WDC) a déjà reconnu la nécessité de soutenir une modification de la définition des diamants de conflit pour garantir la durabilité, mais ceux qui, à notre avis, entravent tout progrès sont les participants au PK. La préoccupation croissante du Processus de Kimberley aux questions de procédure, aux aspects techniques et à la géopolitique l’éloigne des réalités qu’il est censé traiter. Compte tenu de la réticence à la réforme que nous observons actuellement, le PK pourrait continuer à certifier à tort comme « exempt de conflit » des diamants touchés par des violences généralisées ou systématiques.

Jaff Bamenjo

Coordinateur KP CSC

Pour plus d’informations : info@kpcivilsociety.org

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