Kimberley Process Civil Society Coalition

L’impact de l’extraction des diamants sur les communautés locales en Afrique. Résultats des recherches de terrain des membres du PK CSC.

Entre mai et août 2020, les organisations membres de la société civile du PK ont mené des projets de recherche dans leurs pays sur l’un des trois domaines d’intérêt suivants : les (dés)avantages de l’extraction de diamants pour les communautés locales (CECIDE/AMINES, GAERN, NMJD, CNRG, Green Advocates, CENADEP), la violence causée par l’extraction de diamants (ZELA, RELUFA) et les droits fonciers (MCDF). Tous les participants à ces projets de recherche nationaux ont fait face aux conséquences de la pandémie de Covid-19 et ont trouvé des moyens créatifs pour faire face aux restrictions dans leur pays. Les résumés des rapports qui en ont résulté peuvent être consultés ici. (Les résumés des rapports de ZELA, Green Advocates et CENADEP seront bientôt ajoutés).

Lire les résumés :

Cameroun: Le système de traçabilité du processus de Kimberley dans la région de l’Est

RELUFA a effectué une mission d’enquête en mars 2020 pour évaluer la mise en œuvre des contrôles internes par les autorités du PK dans la région de l’Est du Cameroun. Cette région est limitrophe de la République Centrafricaine (RCA) et abrite la totalité de la production – exclusivement artisanale – de diamants du pays, dont la capacité annuelle est estimée à quelques milliers de carats seulement. Le sujet de recherche est d’autant plus pertinent que le Cameroun est considéré par le groupe d’experts des Nations Unies sur la RCA comme la plaque tournante du transit de la majorité des diamants passés en contrebande depuis ce pays en proie à des conflits. Les diamants de contrebande proviennent à la fois de zones conformes et de zones non conformes au PK, les pierres de ces dernières zones étant définies comme des diamants de guerre par le PK. L’institut de recherche IPIS a estimé à 170 000 carats le flux annuel total de diamants illicites en provenance de la RCA en 2019.

L’analyse documentaire préparatoire de RELUFA a porté sur les rapports internationaux et le cadre institutionnel et juridique du PK au Cameroun. Au cours de la recherche sur le terrain, un large éventail d’acteurs impliqués dans la gouvernance du secteur du diamant ont été interrogés. Ces entretiens ont pris la forme de discussions de groupe avec des mineurs artisanaux et des membres de la communauté, tandis que des entretiens individuels ont eu lieu avec des chefs traditionnels, des maires, les délègues départementaux et régionaux des mines, des collecteurs et des représentants d’ONG locales, de maisons d’achat et de points focaux du PK.

L’équipe de recherche a établi qu’à chaque point de la chaîne de traçabilité, la surveillance des autorités camerounaises est pratiquement inexistante et, pire encore, que les points focaux du PK facilitent systématiquement le commerce des diamants.

Les producteurs et les intermédiaires ne sont pas titulaires de licences (cartes d’artisan, cartes de collecteur) ni de la nationalité camerounaise dans de nombreux cas, bien que la participation de non-Camerounais à ces activités soit interdite par la loi. Les points focaux du PK n’effectuent pratiquement pas ou pas du tout de contrôles sur place et ne remplissent donc pas leurs fonctions de base telles que la collecte de données statistiques de production et la vérification de la provenance des diamants. Les mineurs n’ont pas rempli les registres de production depuis 2016, année de la dernière visite de revue du PK. Ces registres constituent le premier et donc le plus important maillon de la chaîne documentaire qui devrait garantir l’origine minière des exportations camerounaises dans le cadre du système du PK du pays.

Dans le cadre d’une commercialisation de diamants qui suit les procédures du PK, des bureaux d’achat dûment autorisés et leurs antennes provinciales centralisent le commerce intérieur. Ceci n’est pas le cas au Cameroun où le non-respect flagrant des exigences minimales du PK se poursuit dans cette partie de la chaîne de valeur. Le dernier bureau d’achat officiel de la région Est a fermé en 2016 et la production est achetée en dehors du contrôle du gouvernement par des investisseurs résidant dans les villes éloignées de Yaoundé et Douala. Ces investisseurs peuvent ou non opérer sous licence de bureau d’achat et des intermédiaires sans licence sont envoyés dans la région de l’Est pour collecter des colis en leur nom. Tous ces acteurs peuvent tout aussi bien faire du commerce de diamants à titre privé et travailler entièrement en dehors d’une comptabilité officielle. La pratique courante des points focaux du PK qui recherchent des acheteurs au nom des producteurs de diamants, tout en s’occupant de la paperasserie, illustre le dysfonctionnement du système camerounais du PK. Leur travail administratif consiste notamment à enregistrer statistiquement les ventes qu’ils négocient en tant que production et à fournir des bordereaux provenant des registres de production tenus dans leurs bureaux pour attester – faussement ou non – de l’origine camerounaise des diamants.

RELUFA

Guinée-Conakry: Redistribution des revenus de l’exploitation des diamants aux communautés locales

Le CECIDE et AMINES, membres du PK CSC, ont uni leurs forces dans un projet de recherche sur la redistribution aux communautés minières des contributions des mineurs et des commerçants de diamants par le biais du système fiscal de la Guinée-Conakry. Le projet de recherche a été réalisé durant l’été 2020. L’objectif de la recherche était d’évaluer dans quelle mesure les taxes et les redevances liées au secteur du diamant sont reversées au niveau local, ou en d’autres termes de vérifier si et comment le système fiscal guinéen génère des bénéfices pour le développement local. Pour donner une idée générale de la taille du secteur diamantaire guinéen : la production, qui est entièrement artisanale, s’élevait en 2018 à 300 000 carats, pour une valeur de 18 millions de dollars US selon les chiffres du PK.

L’analyse du code minier et des textes réglementaires connexes montre que la loi guinéenne prescrit un système de redistribution sophistiqué qui vise à compenser les zones minières pour les désavantages qui découlent de l’exploitation des diamants. Outre les impacts environnementaux et la réduction de la main-d’œuvre agricole, l’exploitation minière provoque également un afflux migratoire de jeunes hommes, ce qui entraîne un stress supplémentaire et des nuisances pour les moyens de subsistance locaux, comme l’abus d’alcool, la prostitution et la transmission connexe de maladies sexuellement transmissibles comme le SIDA. Les impacts positifs de l’extraction de diamants mentionnés par les personnes interrogées dans le cadre de l’étude sont les suivants : un revenu supplémentaire grâce aux gains financiers tirés du travail ; certaines améliorations des infrastructures qui facilitent le transport, telles que la rénovation des ponts ; la solidarité entre les mineurs.

Le tableau suivant résume les taxes et redevances affectées par la loi à des fins de développement local (CU est la communauté urbaine ; CR est la communauté rurale) :

L’équipe de recherche a élaboré des listes de questions pointues sur l’application du système fiscal dans la pratique. Grâce à la collecte de données par téléphone mobile (à l’aide de KOBO Collect et de la Toolbox) et à des entretiens téléphoniques, des réponses ont été recueillies auprès de 63 personnes interrogées, dans les catégories suivantes 50 % de collectivités locales ; 30 % d’organisations de tutelle des mineurs et des commerçants ; 20 % d’autorités locales et de services techniques de l’État, y compris le PK. L’équipe a sélectionné deux zones focales, représentatives de l’ensemble du secteur diamantaire guinéen, à savoir les préfectures de Macenta et de Kérouané.

Diamonds KPCSC

Les zones minières rurales sont caractérisées par une pauvreté généralisée et le large consensus parmi les personnes interrogées est que le système fiscal ne fait pas grand-chose, voire rien, pour réduire la pauvreté dans leur région. Plus de 80 % des personnes interrogées, y compris les autorités locales, ignorent tout simplement l’existence du mécanisme de redistribution prévu par la loi. Ceux qui sont au courant, rapportent que la collecte et la gestion des impôts sont entourées d’un manque de transparence, ce problème étant aggravé par une culture de secret des producteurs vis-à-vis des autorités locales.

La redistribution aux communautés locales a cependant lieu, mais il s’agit d’une question de pratiques coutumières. Celles-ci sont guidées par les relations de pouvoir locales et se traduisent par des initiatives de mécénat et de charité de la part des investisseurs. Ces derniers sont appelés “maîtres” et font parfois preuve de bonne volonté par des dons et des gestes en faveur des équipements sociaux. Dans ce contexte, certains répondants confirment également que de petits pourcentages de la valeur des diamants sont redistribués aux propriétaires fonciers coutumiers et à la localité. De telles pratiques peuvent avoir des résultats bénéfiques mais posent en même temps un défi à la formalisation du secteur, alors que des problèmes majeurs de développement restent non résolus. Il s’agit notamment du faible niveau de scolarisation dû au travail des enfants, des conditions de travail dangereuses, de la destruction des forêts et des terres arables, de l’indisponibilité des capitaux pour assurer l’autonomie des mineurs et du manque de services sociaux décents.

DRC: Rétrocession des redevances aux communautés locales touchées par les activités minières dans la province du Kasaï-Oriental

GAERN, membre du PK CSC, a formé une équipe de recherche pour évaluer la contribution des taxes et des redevances dues par les sociétés d’extraction de diamants (“redevance minière”) pour répondre aux besoins sociaux des communautés touchées. Des entretiens semi-structurés et des discussions de groupe ont été organisés au cours de l’été 2020 avec plus de 300 personnes réparties dans la province du Kasaï oriental. Cette province comprend la capitale du diamant de la RDC, Mbuji Mayi, et quatre territoires de son arrière-pays, où les sociétés MIBA, SACIM, SML et DIAMEX pratiquent l’exploitation alluviale à petite et grande échelle. Le Kasaï oriental est la principale région productrice de diamants de la RDC, l’un des plus importants pays producteurs au monde en termes de volume (exportations en 2019 de 13 millions de carats évaluées à 160 millions de dollars – chiffres du PK). Les personnes interrogées dans le cadre de ce projet de recherche étaient des représentants des autorités publiques au niveau provincial (ministère des Mines et administration des mines) et au niveau local (services des entités territoriales décentralisées), ainsi que des entreprises extractives concernées.

Ces derniers sont critiqués localement parce qu’ils occupent des hectares de terres arables et provoquent souvent le déplacement des communautés locales. Celles-ci vivent dans une pauvreté extrême avec un accès difficile aux soins de santé et à l’eau potable, des infrastructures délabrées, un faible niveau de scolarisation et un accès faible ou inexistant à l’électricité. La loi congolaise oblige les sociétés minières à payer des redevances sur leurs ventes de minéraux, qui doivent être redistribuées aux niveaux de gouvernement suivants : 50 % au gouvernement central ; 25 % au gouvernement provincial ; 15 % aux autorités locales ; 10 % à un fonds pour les générations futures. L’utilisation des redevances destinées au développement local doit en théorie être négociée au niveau local avec les entreprises extractives et se traduire par un cahier de charges détaillé des projets concernant les services sociaux et les infrastructures au profit des communautés touchées par l’exploitation minière.

L’équipe de recherche a découvert qu’aucune des autorités locales n’a jamais reçu sa part de la redevance, alors que les communautés ne sont pas au courant de l’existence de “cahiers de charges” négociés avec les compagnies minières. Dans la pratique, le niveau local est entièrement négligé et la direction des sociétés minières de diamants n’entretient des relations qu’avec le niveau provincial et central de l’État. En d’autres termes, les obligations légales concernant la redistribution des richesses au niveau local restent lettre morte. Par conséquent, le GAERN mettra en œuvre une stratégie de sensibilisation au cours du second semestre de 2020 afin de faire connaître à la population et aux autorités locales les droits des communautés à tirer des avantages fiscaux de l’extraction des diamants.

GAERN

Lesotho: Droits fonciers dans le village de Patising, près de la mine de Letseng

La MCDF s’est engagée en 2017 dans une affaire de droits fonciers lorsque la communauté du village de Patising, dans le district de Mokothlong, au Lesotho, a demandé de l’aide dans sa lutte contre Gem Diamonds. Ce dernier est une société minière basée à Londres qui exploite la mine de Letseng, dont la valeur moyenne en dollars par carat de kimberlite est la plus élevée au monde. Le Lesotho a déclaré une production de 1,1 million de carats en 2019, ce qui représente une valeur de 290 millions de dollars selon les statistiques du PK.

L’affaire Patising remonte à 2012, lorsque la communauté a été approchée par la direction de la mine de Letseng pour avertir la population d’un éventuel danger d’entrave dû aux barrages de boue créés par la mine. Si ces barrages venaient à éclater, les habitants, et en particulier les personnes âgées de la communauté, ne pourraient pas s’échapper. Les membres de la communauté ont d’ailleurs commencé à observer des éruptions cutanées inhabituelles et à avoir des vomissements couplés à la diarrhée en utilisant l’eau qui vient en aval de l’un des barrages. À un moment donné, la mine de Letseng a même encouragé la communauté à déménager, mais à ses propres frais.

Au départ, le ministre des mines du Lesotho semblait désireux d’aider la communauté en formulant des recommandations et des directives fermes à l’intention de la mine de Letseng. Cependant, cet enthousiasme a été de courte durée pour des raisons jusqu’alors inexpliquées. Le ministre a même commencé à s’opposer à l’appel de la communauté à être relocalisée. Pendant ce temps, l’eau contaminée que l’on soupçonne d’être causée par les barrages de boue continue d’infliger des maladies aux membres de la communauté et à leur bétail. Les proches parents de trois habitants décédés de la région indiquent que, selon des rapports médicaux, leur décès est lié à la contamination de l’eau. Comme la direction de la mine a également adopté une attitude obstinée, la MCDF a décidé de s’engager dans un litige stratégique et a engagé un avocat principal qui a porté devant les tribunaux la demande de relocalisation aux frais de la mine des dix-neuf ménages touchés. Les parties poursuivies sont la mine de diamants de Letseng/Gem Diamonds et le secrétaire principal du ministère des mines.

Dans le cadre des projets de la CSC du PK, la MCDF a préparé à l’été 2020 une déclaration sous serment déposée en juillet, introduisant ainsi l’affaire devant la Haute Cour de Maseru. Une deuxième activité dans le cadre du projet du MCDF a consisté à charger un responsable de la qualité de l’eau du département de géographie et des sciences de l’environnement de l’Université nationale du Lesotho d’effectuer une analyse de huit échantillons d’eau prélevés dans des cours d’eau naturels entourant le village de Patising. Le rapport qui en a résulté a révélé des niveaux élevés de nitrates et la possibilité de niveaux élevés d’ions, ce qui pourrait indiquer une pollution par des métaux lourds. Le laboratoire n’était cependant pas suffisamment équipé pour obtenir des preuves concluantes et a recommandé d’envoyer les échantillons pour analyse à un laboratoire entièrement équipé, afin que la prise de décision puisse être basée sur des résultats complets. La MCDF poursuivra le suivi et cherchera des fonds pour une assistance juridique et scientifique supplémentaire à la communauté de Patising.

Sierra Leone: Bénéfices de l’extraction de diamants pour les communautés locales?

Le NMJD a réalisé un projet de recherche durant l’été 2020 sur les avantages sociaux et économiques de l’extraction de diamants pour les communautés locales en Sierra Leone, un pays qui, selon les statistiques du PK, a exporté 812 000 carats pour une valeur de 168 millions de dollars en 2019. Le projet a ciblé deux des trois principaux districts d’extraction de diamants du pays, à savoir Kono et Kenema. Des entretiens ont été menés dans quatre communautés minières – Gbense, Tankoro et Nimikoro (Kono) et Lower-Bambara (Kenema). L’équipe de recherche a administré cinq séries de questionnaires aux parties prenantes des communautés, aux représentants des compagnies minières, aux membres de la direction du fonds de développement communautaire, aux chefs et aux hommes politiques locaux. Les représentants des communautés ont participé à des groupes de discussion.

Les conditions de vie dans les zones minières seraient mauvaises et les conséquences négatives que les communautés associent à l’exploitation minière sont les suivantes: violence contre les femmes; abandon scolaire des filles et grossesses d’adolescentes; pénurie et prix élevés des denrées alimentaires de base; dégradation de l’environnement, notamment contamination des bassins d’eau et des puits abandonnés qui deviennent des lieux de reproduction pour les moustiques porteurs de maladies; tromperie des propriétaires terriens locaux par de riches propriétaires étrangers possèdant des permis d’exploitation minière. En général, les communautés touchées par l’extraction de diamants dans les zones de recherche perçoivent l’exploitation minière comme générant peu de bénéfices socio-économiques. Les emplois sous-payés pour les jeunes locaux et quelques améliorations dispersées des infrastructures ont été cités au cours des discussions de groupe comme les seuls avantages tangibles pour les communautés.

De nombreuses questions de recherche tournent autour de la question des contributions fiscales des entreprises au développement local. Les entreprises sont tenues par la loi d’indemniser les communautés pour les effets négatifs de l’exploitation minière. La loi et certaines directives politiques contiennent des dispositions concernant les paiements infra-nationaux des entreprises qui doivent se traduire en termes proportionnels par des programmes de développement.

Des exemples de telles dispositions sont le Fonds de Développement de la Chefferie (CDF) qui exige des mineurs industriels et artisanaux de payer un pourcentage convenu de leur chiffre d’affaires annuel ; un arrangement similaire appelé Fonds de Développement de la Communauté de la Zone Diamantifère (DACDF) qui cible les opérations minières artisanales ; les loyers de surface, les compensations pour le dynamitage et la perte de récolte. Trois grandes sociétés minières qui opèrent dans le domaine de la recherche – Koidu Limited et Meya Mining à Kono, et Sierra Diamonds à Kenema – ont signé des accords de développement communautaire avec leurs communautés d’accueil, comme l’exige la loi régissant le DACDF, mais l’équipe de recherche n’a trouvé aucun représentant du gouvernement ou des entreprises disposés à discuter de la mise en œuvre de ces accords.

Les communautés ont l’impression que le cadre juridique et politique est inadéquat pour relever les défis du développement et que les lois existantes ne sont pas appliquées efficacement. La corruption dans la collecte, la gestion et la redistribution des revenus miniers est citée comme la principale cause de la persistance de la pauvreté. Les dirigeants locaux qui reçoivent des paiements infranationaux sont méfiés et sont perçus comme étant de connivence avec les grands mineurs pour frauder les communautés. Le mécanisme de redistribution dans son ensemble est considéré par les parties prenantes locales comme grossièrement inadéquat, mal et sélectivement mis en œuvre, peu institutionnalisé, mal comptabilisé et très largement contrôlé par le gouvernement. Le système n’offre donc pas l’espace, l’opportunité et l’émancipation nécessaires pour exercer les droits juridiques et récolter les bénéfices.

Le NMJD a décidé de combler les lacunes de ce projet de recherche, qui ont été causées par un manque de coopération de la part des principaux acteurs gouvernementaux et industriels. Les recherches futures porteront sur l’utilisation des revenus miniers, la prise de décisions, les mécanismes de responsabilité existants et les mesures à prendre pour maximiser les bénéfices pour la communauté.

Zimbabwe: Moyens de subsistance alternatifs pour les communautés de Marange touchées par l’exploitation des diamants

La CNRG a mené une enquête de base pour établir la situation actuelle des moyens de subsistance et les options préférées des communautés de Marange à Chiadzwa, Mukwada and Chipindirwe wards dans le district de Mutare dans l’est du Zimbabwe. Marange est actuellement classé comme le plus grand gisement de production de diamants au monde. Ses gisements de diamants en 2019 ont rapporté au pays 124 millions d’USD grâce à l’exportation de 4,2 millions de carats selon les statistiques du PK. Malgré la richesse qu’elle génère, Marange est sérieusement à la traîne en termes de développement. Robert De Pretto, l’ancien PDG de la Zimbabwe Consolidated Diamond Company (ZCDC), l’une des deux grandes sociétés minières qui travaillent actuellement dans la région, a récemment constaté le niveau de pauvreté qui y règne. Lors d’une visite à Chiadzwa en juillet 2020, il s’est dit choqué par le fait que la région avait encore des routes en si mauvais état et pas d’eau courante, alors que les enfants devaient encore parcourir de longues distances à pied pour se rendre à l’école, malgré les ventes de milliards de dollars de diamants depuis le début de l’exploitation minière en 2006. Les principales raisons du sous-développement de Marange selon les interlocuteurs interrogés sont la corruption et la nature destructrice des opérations d’extraction, qui en 2008 a également entraîné le déplacement de plus de 1000 familles au détriment de l’économie locale. Depuis lors, le fossé des inégalités s’est creusé en raison de l’absence d’autres moyens de subsistance pour la communauté locale.

Des discussions de groupe avec 15 hommes et 15 femmes de la région, ainsi que des entretiens avec des informateurs clés – menés à distance en raison des restrictions imposées par le Covid-19 – ont été utilisés pour la collecte de données par le CNRG durant l’été 2020. Parmi les informateurs clés figuraient des représentants d’organisations communautaires, des chefs traditionnels, religieux et politiques, ainsi qu’une organisation de défense des droits des femmes.

En ce qui concerne les activités de subsistance actuelles, l’enquête a révélé que les ménages s’adonnent principalement au jardinage domestique, à l’élevage, à l’apiculture, au moulage des briques et à l’agriculture de subsistance. Ces activités ne sont toutefois pas économiquement liées aux activités minières à Marange. En outre, les moyens de subsistance existants sont inadéquats car ils contribuent peu aux revenus des ménages : les familles ont indiqué qu’elles gagnent entre 5 et 20 dollars par mois grâce à ces activités.

L’enquête a en outre établi que les jeunes hommes de Marange ont tendance à se faufiler dans les champs de diamants pour y exploiter des mines artisanales. Cela leur permet de gagner entre 200 et 500 USD par mois. L’extraction artisanale de diamants est cependant interdite par la loi. C’est une entreprise risquée car une fois que les mineurs artisanaux sont pris, ils sont soumis à un traitement inhumain et dégradant qui comprend l’utilisation de chiens et le passage à tabac par la police et les gardes de sécurité du ZCDC. Des centaines d’entre eux ont perdu la vie au cours de la dernière décennie.

L’enquête a également révélé que si certains habitants sont intéressés par la création d’emplois dans les compagnies minières, ils sont généralement mécontents de leur incapacité et de celle du gouvernement à développer la région. Les habitants de Marange souhaitent voir une économie locale florissante stimulée par l’exploitation des diamants. Les femmes sont intéressées par des projets de couture, de maraîchage ou d’horticulture, mais elles ont besoin d’être équipées de forages, de matériel d’irrigation et de machines à coudre. Les hommes et les jeunes sont intéressés par des projets d’auto-assistance comme la menuiserie, le maniement et la construction.

Le CNRG recommande de convoquer une conférence multipartite pour discuter d’autres moyens de subsistance et pour tracer la voie à suivre pour les habitants de Marange. La conférence multipartite devrait réunir les dirigeants communautaires, les chefs traditionnels et les sociétés d’extraction de diamants, les organisations communautaires, les organisations de la société civile, le gouvernement du Zimbabwe et les investisseurs potentiels. Le CNRG s’efforcera de concrétiser ses projets pour une telle conférence au cours de l’année à venir.

– Didier Verbruggen, Chercheur IPIS

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