Le Processus de Kimberley est un groupe très diversifié et il y a peu de choses sur lesquelles nous sommes tous d’accord. Même si ce sont surtout les éléments que nous mettons en avant en tant que société civile qui suscitent le plus de malaise et de résistance, je suis certain que vous serez tous d’accord avec moi sur un point, à savoir que les discussions que nous menons actuellement sont difficiles.
Nous saluons et apprécions le fait qu’un plus grand nombre de participants aient cessé de se cacher dans le silence ou derrière des excuses procédurales et aient commencé à s’engager dans ces discussions difficiles. Ils ont commencé à expliquer pourquoi certaines propositions de réforme leur posent problème et à quoi ressemble le Processus de Kimberley idéal qu’ils voudraient. Nous aurons besoin de beaucoup plus d’échanges de ce type si nous voulons sortir ce navire des eaux troubles et éviter qu’il ne coule.
Aucun pays ne peut relever seul les grands défis du secteur du diamant que nous avons soulevés dans notre déclaration d’ouverture et tout au long de cette semaine. La coopération internationale et multipartite doit être la solution et il est donc de notre devoir moral de rester optimistes et de garder l’espoir que ces discussions et réunions puissent contribuer à un changement significatif.
Le Processus de Kimberley célèbre son 20e anniversaire. Nombreux sont ceux qui se plaisent à qualifier ce groupe de famille, mais si c’est le cas, il a besoin de toute urgence d’une thérapie de groupe pour faire face, à toutes les rivalités, les tensions et les frustrations inexprimées. Cette soi-disant famille s’habitue particulièrement aux éléphants dans la pièce. Le PK a pour mandat de prévenir les conflits, mais ne peut pas rester focaliser sur l’agression en cours d’un membre du PK contre un autre. Le PK a pour mandat de veiller à ce que le commerce des diamants soit exempt de conflits, mais il ne veut pas entendre parler des conflits causés par des agents de la police ou de l’armée.
Mesdames et Messieurs,
Les consommateurs sont et seront de plus en plus critiques. Ils se soucient non seulement de la certification des diamants bruts, mais aussi de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement en diamants et de ses divers impacts, tant positifs que négatifs. Les participants ne doivent pas devenir indulgents, autrement le Processus de Kimberley s’érodera de lui-même. Il est temps d’agir pour que le Processus de Kimberley soit adapté à sa finalité.
Au cours de cette réunion intersessionnelle, nous n’avons constaté aucun progrès raisonnable concernant la République Centrafricaine (RCA), le seul et unique pays où la définition stricte des diamants de la guerre s’applique aujourd’hui. La population de la République Centrafricaine continue de souffrir d’une insécurité généralisée, en particulier dans les zones où les diamants sont extraits. Le Processus de Kimberley doit trouver une solution qui concilie les intérêts communautaires, le développement économique national et la protection des communautés locales en République centrafricaine.
La géopolitique ne doit pas empêcher le Processus de Kimberley de mettre un terme aux flux de diamants de la guerre, car les communautés sont les premières touchées.
Les participants ne doivent pas non plus se cacher derrière le mandat du Processus de Kimberley pour ne pas permettre aux diamants d’apporter des changements positifs. Autrement, que serait donc exactement l’objet de l’examen et de la réforme ?
Soyons constructifs et adoptons l’esprit de révision dont le Processus de Kimberley a tant besoin pour relever les défis actuels.
Nous devons adopter une approche globale du cycle actuel de révision et de réforme afin non seulement d’empêcher les diamants entachés de violence d’entrer dans la chaîne d’approvisionnement, mais aussi d’accroître les bénéfices de l’extraction de diamants pour les communautés. Cela vaut en particulier pour la définition élargie des diamants de la guerre.
« A quoi ressemble un conflit ? » Nous savons tous que les diamants peuvent être entachés de toutes sortes de violences et de violations des droits de l’homme. Nous devons être clairs sur les actions qui entraînent des souffrances et des violations des droits de l’homme, sur les acteurs qui peuvent les commettre, où le mal est causé et sur les mesures que ces violations peuvent déclencher. De mauvaises choses se produisent tout au long de la chaîne d’approvisionnement. Le polissage et la taille n’efface pas les taches de violence et de pauvreté d’un diamant.
Nous devons également promouvoir les bienfaits que l’extraction de diamants peut potentiellement apporter. Nous appelons les participants à adopter et à mettre en œuvre les Principes du Cadre 7 ou encore Frame 7 afin de promouvoir un diamant d’origine responsable, extrait dans le respect des droits du travail, des droits de l’homme, de la protection de l’environnement, du développement des communautés locales et de la lutte contre la corruption. Une assistance technique peut être fournie aux participants qui éprouvent des difficultés à se conformer à ces principes.
La mise en œuvre d’une définition élargie basée sur le langage des droits de l’homme peut en fait être un domaine dans lequel les participants qui ont des difficultés peuvent bénéficier d’une assistance technique ou d’un renforcement de leurs capacités.
Tout au long de ce cycle de réforme, assurons-nous que le Processus de Kimberley agisse sur les défis propres aux femmes dans les communautés minières. Cela inclue la prise de décision, la répartition des bénéfices de l’exploitation minière, la sûreté et la sécurité des femmes, etc. Toutes les discussions sur l’extraction de diamants doivent prendre en compte les enjeux des femmes.
L’approche holistique de la réforme devrait être la priorité principale du PK. Avec des consommateurs de plus en plus critiques, laissons une évaluation externe inciter les gouvernements et l’industrie à faire mieux pour relever les défis actuels.
Laissons l’industrie considérer sérieusement à quel point il est autodestructeur de vendre des diamants entachés de violence, de violations des droits de l’homme ou de dommages environnementaux. Une réforme sérieuse basée sur une analyse objective et une évaluation des défis d’aujourd’hui est le seul moyen de s’assurer que le PK soit toujours pertinent lorsque nous célébrerons le 30e anniversaire.
Mesdames et messieurs,
Marquons cette réunion du 20e anniversaire en évaluant de manière critique là où le PK échoue à œuvrer pour les communautés. Ramenons-le à L’Assemblée Générale des Nations Unies, où le Processus de Kimberley a vu le jour, et demandons à un organe des Nations unies d’évaluer ce Processus. Nous sommes convaincus que le PK a besoin d’une évaluation externe pour sortir de sa logique insulaire, obsédée par les règles et les procédures afin de renouer avec la réalité de son mandat central de prévention des conflits. Comme nous l’avons déjà dit dans notre déclaration d’ouverture, nous avons besoin de clarté, pour nous-mêmes mais aussi pour les consommateurs et les communautés affectées sur ce que le PK fait et ne fait pas, ce qu’il fait bien, ce qu’il peut faire mieux et là où il échoue complètement.