C’est un privilège et un grand honneur pour moi de m’adresser à nouveau à vous en tant que coordinateur de la Coalition de la Société Civile du Processus de Kimberley (CSC PK).
Je tiens tout d’abord à adresser mes sincères remerciements et ceux de la délégation de la Coalition de la Société Civile au gouvernement du Botswana, en particulier aux organisateurs de cette belle réunion plénière. Merci pour l’accueil de notre délégation à Gaborone.
Monsieur le Président du PK, tous les membres de Coalition et moi-même sommes extrêmement reconnaissants pour ce que vous et votre équipe avez fait pour que je suis puisse retrouver la santé. Je vais nettement mieux ce matin.
Je veux aussi au nom de la Coalition remercier les organisateurs de ce Sommet passionnant auquel nous avons participé et qui a rassemblé hier d’excellentes personnalités, leaders d’opinions et experts du monde entier.
Distingués invités, Mesdames et Messieurs ;
Permettez-moi de vous rappeler qu’à la veille du 20e anniversaire du Processus de Kimberley, le système de certification du PK ne parvient pas à maintenir sa réputation d’instrument de prévention des conflits garantissant que les diamants n’alimentent pas les conflits ou la violence. En réfléchissant tout simplement à la dernière décennie d’existence du Processus de Kimberley, nous sommes surpris par l’état de crise permanent du système de certification. Le PK s’est traîné d’un cycle de réforme raté à un autre tout aussi raté. Nous ne parvenons pas à discuter des problèmes qui nous concernent tous, ni à exposer les mauvaises positions et pratiques de certains parmi nous ici, bien sûr présents dans cette salle qui bloquent et tiennent tout ce processus sous leur emprise, en d’autres mots qui tiennent ce processus en otage.
La plupart des communautés minières d’Amérique latine, d’Afrique et le peuple ukrainien comptent les pertes de vies humaines, les dommages environnementaux et les violations des droits humains causés par les mines de diamants ou par les États dont les budgets sont largement basés sur les revenus résultant de la production et le commerce de diamants.
Le PK n’examine pas encore suffisamment la manière dont les mines de diamants gérées sans diligences raisonnables dans certains pays détruisent des vies, les moyens de subsistance et l’environnement des communautés riveraines ou des communautés affectées.
Il en résulte des plaintes constantes de la part des communautés, comme en témoignent les communautés affectées par l’exploitation des mines de diamants au Lesotho, les propriétaires de terres marginalisés de Koidu en Sierra Leone et les communautés vivant le long des fleuves Tshikapa et du Kasaï en République démocratique du Congo (RDC). Le sort de la communauté de Jagersfontein en Afrique du Sud, où des digues de résidus ayant cédé ont provoqué des inondations et entrainé le déplacement forcé des populations attend de nombreuses autres communautés minières de diamants dans le monde, en particulier en Afrique où la plupart des diamants bruts sont produits. Par exemple, la communauté de Patising au Lesotho, près de la mine de diamants de Letseng.
Distingués invités, Mesdames et Messieurs ;
Le PK ne permet pas les discussions sur la manière dont le plus grand pays producteur de diamants au monde, la Russie, utilise les revenus des diamants pour financer une guerre cruelle contre l’Ukraine, un autre membre du PK. Nous ne discutons même pas de la manière dont les mercenaires de ce même pays sapent la paix et les efforts visant à mettre fin au commerce des diamants de la guerre en République centrafricaine. Au lieu de cela, nous voyons arriver des candidatures à la future présidence de la part de participants, du Belarus et des Émirats Arabes Unis. Nous voyons également une demande d’adhésion précipitée du Rwanda, un pays qui selon plusieurs rapports des Nations Unies alimente, à travers son soutien à un groupe armé, l’agression contre un membre du Processus de Kimberley à savoir la République démocratique du Congo.
Mesdames et Messieurs, nous demandons la suspension de l’évaluation de cette candidature jusqu’à ce que les motivations et les actions du Rwanda sur le terrain en RDC et en République centrafricaine soient clarifiés.
La Coalition de la Société Civile du PK est redevable aux communautés qui vivent les réalités de l’exploitation des mines de diamants. Nous prenons cela au sérieux. L’appel à la réforme n’est pas seulement celui de la Coalition de la Société Civile du PK, il est réclamé par les communautés avec lesquelles nous travaillons au quotidien. La crédibilité du système est en jeu, aujourd’hui plus que jamais. Les pays, l’industrie et les communautés bénéficieront tous d’un Processus de Kimberley solide et fiable garantissant que l’extraction de diamants profite aux pays, aux communautés et aux consommateurs. Nous estimons que seul un élargissement considérable de la définition des diamants de conflit et une réforme solide de la gouvernance du PK peuvent y parvenir.
À l’approche de l’année 2023, année de démarrage du cycle de réforme du PK, il est important que le Zimbabwe, en tant que prochain président, définisse des objectifs clairs, et les modalités convenables et innovantes pour parvenir à un consensus sur l’élargissement de la définition des diamants de conflit et contribuer ainsi à trouver une solution durable sur la manière dont le PK peut faire face à toute situation susceptible de donner lieu à des violations des droits humains liées aux diamants dans n’importe quelle partie du monde. Cette année, nous avons tous été réconfortés par le fait que le Zimbabwe a fait un pas en avant sur ces questions lorsque la visite d’examen a révélé de nombreux points positifs. Nous estimons que le Zimbabwe ne doit pas reculer. Il doit au contraire être le porte-flambeau de la réforme du PK et de l’élargissement de sa définition.
L’élargissement, attendu depuis longtemps, de la définition des diamants de conflit du PK devrait inclure les diamants associés à une violence généralisée ou systématique et à de graves violations des droits humains, qu’elles soient commises par des groupes rebelles, des criminels, des terroristes, des forces de sécurité privées ou publiques ou tout acteur gouvernemental.
Le processus de réforme doit toutefois aller au-delà de l’élargissement de la définition et porter également sur la gouvernance et la prise de décision :
– Le consensus, par exemple, n’a de valeur que lorsqu’il est orienté vers une solution par le biais de la recherche de compromis, et non lorsqu’il est utilisé comme donnant droit à un veto qui est en fait un moyen de bloquer toute discussion sérieuse.
Pour qu’un modèle de consensus fonctionne, nous avons besoin d’une transparence totale : Les participants au PK doivent être totalement transparents dans les positions qu’ils adoptent et partager les informations. Il s’agit d’une condition préalable à un modèle de consensus ayant du sens et étant axé sur des résultats positifs, des solutions.
– L’arrangement tripartite ne peut être authentique que si tous les acteurs ont une voix égale dans les discussions et une contribution égale à la recherche du consensus, en un mot du compromis. L’arrangement tripartite doit être visible et tangible à tous les niveaux. Pour cela, le PK devrait adopter une décision administrative sur les arrangements tripartites au niveau national ou régional et soutenir la création de task forces ou de plateformes multipartites comme nous le voyons au Zimbabwe, en Sierra Leone et dans l’approche régionale de l’Union du fleuve Mano, cette initiative que nous demandons de renforcer.
–Ceci nous amène au mécanisme d’examen par les pairs : Nous avons vu la valeur ajoutée d’une approche régionale à l’œuvre lors de la visite d’examen en Sierra Leone, qui a vu un engagement et un échange véritables entre les trois piliers du PK. Un PK crédible et fort devrait s’engager et souscrire à l’inclusion des communautés lors des visites d’évaluation par les pairs.
Ce qui est étrange au sein du Processus de Kimberley, c’est que l’échec des réformes n’est pas dû à une opposition généralisée des participants. Il existe une majorité silencieuse qui ne s’exprime jamais, mais qui a sans doute beaucoup à dire. Pour faire en sorte que toutes les voix soient entendues, nous invitons le président sortant et le président entrant à
– organiser une véritable réflexion inclusive consacrée aux lacunes du PK au cours des sessions proposées durant cette plénière
– envisager une réunion ministérielle sur les réformes du Processus de Kimberley dans le but de faire le point sur la volonté politique de tous les participants pour aboutir à des réformes.
Distingués invités, Mesdames et Messieurs;
Pour terminer mes propos, j’aimerais tous vous inviter à partager vos idées de réforme du Processus de Kimberley cette semaine, que ce soit oralement ou par écrit, de manière bilatérale ou en plénière. La Coalition de la Société Civile, en tant que gardienne de ce processus, suivra avec un très grand intérêt toutes les expressions de volonté politique en faveur d’une réforme profonde du Processus de Kimberley. Nous avons tous ici la responsabilité de démontrer aux yeux du monde, le grand mérite de ce processus qui ne doit pas mourir.
Je vous remercie pour votre aimable attention.
Dr. Michel YOBOUE
Pour la CSC PK